L'urbanisation
En exergue.
L’urbanisation, c’est-à-dire le processus de développement des villes et de concentration des populations (« the process of making an area more urban », Oxford Language, 2021), est un phénomène en cours à l’échelle du monde. En 1950, moins d’un tiers de la population mondiale (29%) était urbain. Un peu plus d’un siècle plus tard, la moitié de la population mondiale vit dans les villes (Géoconfluences, ENS Lyon, 2020). Très avancée en Europe et dans les pays occidentaux (là où se concentrent les opportunités d’investissement immobilier), l’urbanisation est un phénomène qui se poursuit encore aujourd’hui. Selon les Nations Unies, 68% de la population mondiale devrait vivre en ville d’ici 2050.
La ville, parce qu’elle est source d’opportunités économiques, concentre l’essentiel des activités et attire de plus en plus. Avec cet afflux d’individus, et la taille des ménages se réduisant d’année en année, la demande en logement explose, tirant les prix vers le haut. Cela, avec un fort risque de creusement des inégalités, alors que la hausse du niveau de vie et la mise sur le marché de nouveaux logements croît moins vite. Le phénomène peut aussi peser sur la qualité de vie de ses habitants. Des effets auxquels s’ajoutent l’impact écologique de l’étalement urbain : en particulier l’artificialisation des sols et la pollution liée aux transports.
Anticiper les effets de l’urbanisation, c’est donc réfléchir à une manière, à la fois plus inclusive et respectueuse de l’environnement, de loger une population toujours plus nombreuse, sans perdre de vue l’exigence de qualité de vie propre au milieu urbain.
Définition et mesures
L’urbanisation décrit le phénomène de croissance démographique sans relâche qu’ont connu les grandes villes depuis le milieu du 20e siècle. C’est aussi un mouvement historique qui a permis aux sociétés de se transformer.
Les développeurs urbains le savent bien : les grandes villes connaissent une croissance démographique sans relâche depuis le milieu du 20e siècle. Cette tendance de fond, particulièrement visible dans les métropoles dynamiques, invite à soutenir la densification urbaine. Pourtant, les zones péri-urbaines ont vu s’accumuler les zones pavillonnaires et commerciales au mépris des centres-villes et de l’empreinte carbone de cet étalement urbain. Notons que si certaines villes décroissent en réaction à la polarisation de l’activité sur les grandes métropoles, d’autres petites et moyennes villes bénéficient des débordements de ces dernières et continuent de croître. Cependant, on y observe souvent une production de logements neufs quasi nulle malgré ces mouvements démographiques notables.
Source : Patrizia
L’urbanisation est en effet liée aux révolutions agricoles qui ont permis d’alimenter des populations toujours plus nombreuses. Avec l’industrialisation de la production de denrées élémentaires, les individus n’étaient plus contraints de cultiver eux-mêmes la terre pour se nourrir. Ce processus a ainsi facilité l’exode rural pour des populations attirées par les opportunités de la ville. En accompagnant l’industrialisation de l’économie, la ville est devenue un carrefour intellectuel et économique, permettant l’innovation et la diffusion des techniques. Un constat qui s’est confirmé avec la tertiarisation de l’économie, c’est-à-dire avec l’orientation des activités humaines vers des métiers de services et de production intellectuelle. Ainsi, selon Lewis Mumford, La ville n’a jamais été, purement et strictement, une simple agglomération urbaine, elle est et demeure la « représentation symbolique d’un monde nouveau » (Lewis Mumford, 1961).
En outre, l’urbanisation est un phénomène qui concerne le monde entier. L’année 2008 a marqué une étape supplémentaire dans ce processus d’urbanisation généralisée de la planète : pour la première fois, le taux d’urbanisation dans le monde dépassait 50%, (ONU, 2013) Le nombre d’habitants vivant en ville dépassant ainsi celui des habitants des territoires ruraux. Selon les Nations Unies, 68% de la population mondiale devrait vivre en milieu urbain d’ici 2050.
L’urbanisation se mesure à l’augmentation de la population en ville, et plus précisément au taux d’urbanisation, c’est-à-dire au rapport entre le nombre d’habitants vivant en ville et la population totale.
Elle se constate également à l’étalement urbain, c’est-à-dire au fait que le territoire de la ville avance de plus en plus sur les terres rurales.
Figure 1. L’aéroport de Toulouse – Blagnac aujourd’hui et il y a 50 ans © IGN
Figure 2. Villeneuve-sur-Lot, évolution urbaine entre 1958 et 2012 © IGN
Pour ces philosophes, la ville est un regroupement humain né d’un désir d’interaction sociale. Que ce soit Aristote, pour qui « l’homme est par nature un animal politique », c’est-à-dire un être social destiné à vivre dans la Cité (Polis), Thomas Hobbes qui pense au contraire que « nous ne cherchons pas de compagnons par quelque instinct de la nature mais bien l’honneur et l’utilité qu’ils nous apportent », ou encore Michel Tournier qui nous dit à propos du personnage de Robinson que « ses actions, ses comportements n’ont de sens que par rapport aux autres », tous s’accordent à dire que la nature humaine nous incite à nous rassembler.
Les théoriciens de la ville et de la planification urbaine, eux, comparent souvent les villes à des systèmes complexes ou à des organismes vivants. Geoffrey West du Santa Fe Institute fait d’ailleurs une analogie directe avec le corps humain (What is a city?, 2014). Les villes vivent, bougent, évoluent, se réinventent mais ne meurent jamais. Pareilles à des étoiles, les villes opèrent un pouvoir d’attraction important sur tout ce qui les entoure. En leur sein, se produisent des réactions presque nucléaires, c’est-à-dire d’importantes créations d’énergie, leur permettant de grandir de plus en plus vite. Plus la ville est grande, plus elle attire, et plus elle attire, plus elle grandit vite. Une ville est donc un énorme aimant socio-économique qui mélange des gens, des techniques et des ressources pour les transformer en produits à plus ou moins forte valeur ajoutée.
Figure 3. « What is a city ? », Geoffrey West and Luis Bettencourt, The Atlantic with physicists, Santa Fe Institute, 2014.
A l’image des fondateurs de nos villages européens, et notamment des « Bastides » de la vallée de la Garonne, les villes protègent et créent des économies d’échelle qui bénéficient aux habitants et entreprises locales. Dans ses explorations et documentaires photographiques, John Reps, de Cornell University, décrit ce regroupement en « ville » dans les Bastides, qui déjà à l’époque médiévale améliorait la productivité des activités agricoles et économiques locales tout en offrant protection et concentration des services du quotidien à ses concitoyens.
In 1951, Cornell Professor Emeritus John Reps began to explore and document the appearance of these unusual examples of medieval urban design. Over the next 60 years he photographed the towns, now available as Cornell’s Bastides Collection. (Randolph, Adrian. “The Bastides of Southwest France”. 1995, http://www.jstor.org/stable/3046102)
Pendant plus de 60 ans, il photographie les Bastides française (carte interactive ici) :
Figure 4. John Reps Bastides Collection, at Cornell University.
C’est ainsi que depuis le 19e siècle, l’économiste décrit la ville comme une agglomération de personnes et une terre d’opportunités. Selon Paul Krugman, fondateur de la nouvelle économie géographique, le phénomène d’agglomération en ville prend la forme d’un processus circulaire : en se concentrant dans les villes, le secteur industriel réduit le coût des transports. Les firmes veulent être au plus près des consommateurs, et ceux-ci, en retour, souhaitent habiter à proximité des firmes pour bénéficier de produits moins chers. En parallèle, c’est en ville que les travailleurs ont les salaires les plus élevés. Les régions centrales bénéficient ainsi d’un pouvoir d’attraction naturel, leur permettant de compenser certains handicaps comme des salaires plus élevés ou plus généralement des coûts de production moins avantageux. La majorité de nos villes françaises ont suivi ce modèle de développement.
Figure 5. La ville vue par l’économiste fait naître l’opportunité de créer des économies d’échelle et d’agglomérations au sein des industries qui vont vivre nos pays. Construction du métro sur la rue Yonge, Toronto (crédit aux City of Toronto Archives/Fonds 1128, Series 381, File 15, Item 6207-2 ; The canadian encyclopedia, 2015).
Dans Order Without Design (2018), Alain Bertaud le résume ainsi : la ville existe et croît car elle est à la fois un accélérateur d’économie, un cluster ou regroupement économique, une terre d’opportunité pour ceux qui s’y aventurent; et, un regroupement démographique, un bassin d’emploi, un mélange de populations dense, qui requiert une certaine organisation, une mécanique bien rodée
L’accroissement démographique de la ville n’est pas sans conséquences sur l’environnement et la qualité de vie de ses habitants. On appelle ces effets secondaires de l’urbanisation des « externalités négatives » à la croissance urbaine.
À New York, le « comprehensive zoning plan » vise par exemple à atténuer les impacts néfastes des gratte-ciels, qui en proliférant dans la ville, obstruent la lumière naturelle. C’est la qualité protectrice de la ville qui s’effrite.
Partout en France, le contraste de vitalité économique entre les grandes villes et le reste du territoire met en péril la survie des petites villes. D’un côté, ces métropoles offrent opportunités professionnelles et services du quotidien, mais les prix croissant chassent les ménages moins aisés. De l’autre, certaines plus petites villes, offrant pourtant une qualité de vie importante, décroissent car elles ont perdu de leur attrait économique.
À Paris, Londres, ou encore Bordeaux, l’étalement urbain, qui rogne sur les terres agricoles, est devenu un problème d’ampleur, repoussant les populations dans les périphéries et les contraignant à de longs et pénibles trajets domicile-travail. Ici encore le potentiel d’attractivité de la ville est mis à mal.
Il est donc nécessaire d’anticiper les transformations de la ville, afin de veiller à la préservation d’une vie bonne à laquelle aspire chacun de ses habitants. Et ce, en travaillant à construire une ville durable, résiliente et agréable à vivre. C’est le rôle principal des urbanistes qui organisent les échanges entre populations et entreprises tout en tentant de minimiser les externalités négatives du développement économique, de protéger l’intérêt commun et de promouvoir cette « vie bonne » à laquelle nous aspirons tous.
Finalement, la ville attire parce qu’on y trouve :
1- une plus ****grande concentration d’opportunités économiques qu’ailleurs,
2 – des services et donc du confort,
3- des infrastructures et équipements de pointe, en matière de transport, d’éducation et de culture, par exemple.
La santé d’une ville, et de nos marchés immobiliers, dépend donc de la prospérité économique et sociale de l’agglomération urbaine. Elle peut être influencée par des facteurs aussi divers que la santé des grandes industries qui s’y sont installées, les mouvements migratoires, les changements de comportements, les nouvelles façons de travailler ou encore les nouvelles préférences des consommateurs. D’après le physicien Geoffrey West, du Santa Fe Institute, il existerait une fonction de proportionnalité linéaire entre la taille d’une ville et le nombre de brevets, d’hôpitaux, de cas de SIDA, le taux de criminalité, le salaire médian, et même la vitesse de marche à pied des habitants !
Selon nous, cela ne fait aucun doute :
Au-delà d’un marché de l’emploi ouvert et fluide, leur permettant de changer régulièrement de métier, les urbains d’aujourd’hui cherchent des trajets courts, si possible à vélo, à pied ou en trottinette, et des logements flexibles depuis lesquels ils accèdent facilement à leurs activités professionnelles, récréatives et sociales.
Nous travaillons à le démontrer en analysant le terreau socio-économique de chacun de nos projets immobiliers.
Ville versus campagne : vers une perte d’attractivité du milieu urbain ?
Les manifestations des gilets jaunes, fin 2018, ont rappelé qu’en lisière des zones urbaines se trouve un ensemble de territoires qui subissent les contraintes des villes, sans en retirer les bénéfices. À l’inverse, c’est avec la crise Covid-19 que la vie en ville a révélé toutes ses limites, alors qu’il devient facile et admis de travailler de n’importe où.
Si la tendance qui consiste à déménager à la campagne existe et qu’il est probable que certaines villes secondaires gagnent en attractivité avec la généralisation du télétravail, les pôles urbains vont rester centraux dans la vie économique et sociale des territoires.
En effet, l’ensemble des services et équipements que l’on trouve en ville sont soutenus par la forte densité de population, et ne pourraient pas exister dans des zones moins peuplées ou plus étendues. Par exemple, la variété des commerces et le nombre accru d’infrastructures publiques (écoles, routes, crèches, culture, transports…) sont des services qui dépendent de l’existence d’un large volume de clients et d’usagers potentiels. Dans un milieu rural, ou plus largement dans un milieu où la densité de population est plus faible, ces services sont aussi plus difficilement accessibles aux usagers du fait de la distance. La ville offre par ailleurs des opportunités de sociabilisation que l’on ne trouve nulle part ailleurs.
Ainsi, la croissance continue des villes rend d’autant plus urgent le traitement des problématiques liées à l’inclusion, au respect de l’environnement et à la qualité de vie, qui les handicapent aujourd’hui.
Le phénomène d’urbanisation se traduit par une concentration de la demande en immobilier dans les villes et donc à une montée des prix, propice au développement et à l’investissement immobilier.
Pourquoi ? Parce que dans un marché en croissance, la concentration démographique urbaine conduit à un déséquilibre entre l’offre et la demande : la demande augmente plus vite que l’offre, rendant les biens immobiliers plus « rares », et donc plus chers.
Un constat qui semble plutôt rassurant pour l’investisseur. De cela découle toutefois deux phénomènes à surveiller :
(i) La multiplication des situations de précarité économique : la montée des prix en ville conduit à une concentration des ménages les plus riches dans les centres et à une exclusion des classes moyennes et plus vulnérables, dont les emplois, situés en ville, sont difficilement délocalisables vers les périphéries ou les milieux ruraux.
(ii) L’étalement urbain et son impact carbone : l’urbanisation se traduit souvent par une croissance urbaine horizontale, c’est-à-dire une ville qui s’étale, plutôt que par la densification des aires déjà urbanisées. La ville en croissance artificialise donc activement les terres naturelles et agricoles qui l’entourent, creusant ce qu’on a pu appeler notre dette carbone, à savoir le fait que nous émettons sur une unité de temps donnée plus que ce que la planète est en mesure de supporter dans la même période. Ce faisant, l’étalement urbain contribue aussi à allonger les distances travail-domicile, souvent parcourues en voiture, entraînant une dégradation de la santé mentale et physique des ménages contraints de se déplacer pendant 1 à 3h par jour, aggravant ainsi un peu plus le bilan carbone des villes.
L’espace urbain est donc marqué par une série de fractures physiques entre ville, périphéries et milieux ruraux. Des fractures qui sont autant de points de vigilance pour les investisseurs immobiliers puisqu’il relève désormais de leur responsabilité de veiller à une densification soutenable voire vertueuse des zones urbaines existantes ainsi qu’à la redynamisation des zones péri-urbaines. Cette soutenabilité de la densification urbaine permet à la ville de conserver sa proposition de valeur, de rester attractive et de faire en sorte que nos métiers et leur viabilité soient protégés.