La prise de conscience écologique

En exergue.

Au fil des années, les questions écologiques se sont hissées au premier rang des préoccupations internationales. Beaucoup marquent le début de cette prise de conscience en 1972, lors de la parution du rapport Meadows, l’un des premiers à alerter sur l’épuisement des ressources en matières premières.

Cette même année s’est tenue la première conférence des Nations Unies consacrée aux questions environnementales. Intitulée « Conférence de Stockholm », elle place pour la première fois les questions écologiques au coeur des préoccupations internationales.

Quinze ans plus tard, en août 1987, le terme « développement durable » fait son entrée à l'Assemblée générale de l'ONU, à l'occasion de la présentation du rapport Brundtland. C’est aussi un moment de définition : est durable un développement qui « répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins » (Insee, 2016).

L’intérêt grandissant des Nations Unies pour ces questions est concrétisé en 1988, avec la fondation du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC). L'institution réunit des scientifiques du monde entier, dont les conclusions font aujourd'hui autorité. Le Sommet de la Terre, organisé à Rio de Janeiro en 1992 préfigure la Conférence des Parties (COP).

Le protocole de Kyoto, ratifié en 1997, est souvent mentionné comme une référence de l’engagement des pays en faveur de la lutte contre le changement climatique. Bien que le Sénat américain ait refusé sa ratification, il a permis à l’époque d’engager 38 pays industriels à réduire leur émissions de gaz à effet de serre de 5%, par rapport au niveau de 1990.

Après la ferveur des années 1990, le mouvement institutionnel semble marquer un coup d’arrêt. La COP15, en 2009, s’achève par exemple par une déclaration d’intention, sans objectifs ni date butoir. En 2012, la COP18 de Doha prolonge le protocole de Kyoto, mais voit le retrait de la Russie, du Japon et du Canada.Avec le succès de la COP21 en 2015 et l’accélération des événements climatiques, une prise de conscience massive se produit. Les années 2019 et 2020 semblent avoir marqué un tournant dans la prise de conscience et l’évolution des mentalités. Dans le secteur immobilier notamment, les critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) entrent définitivement dans les systèmes de valeurs pour dorénavant être intégrés à toutes les décisions.

Définition et mesures
L’urgence écologique

Pendant longtemps, la notion de changement climatique est restée abstraite aux yeux du grand public. Autrefois lointaine, elle est devenue un enjeu pour l’opinion à mesure que les connaissances sur le sujet se sont étoffées, notamment grâce au travail de prospection et d’information mené par la communauté scientifique, mais aussi avec l’augmentation des aléas météorologiques et la réalisation de bilans sur la biosphère de plus en plus alarmants. Deux chiffres parlent d’eux-mêmes : selon la NASA, les niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère sont à leur maximum depuis 650 000 ans (NASA, 2010) tandis que dans le même temps, les émissions mondiales de CO2 ont en réalité augmenté de 2,7% en 2018 (Earth System Science Data, 2018).

La Convention - Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) met en lumière les multiples changements qui en découlent. Elle définit ces derniers comme :

« les changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l'atmosphère mondiale et qui viennent s'ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables ».

Curiosity is Keys a rédigé un point en 2020 sur le changement climatique, à lire ici :

Changement climatique

2010 - 2020 : de la concentration d’événements préoccupants à la prise de conscience généralisée

La décennie 2010 a vu l’augmentation de la fréquence et de l'intensité d’événements climatiques qui n'ont pas manqué d'interpeller les observateurs et le grand public. Tempête Xynthia en France, séisme meurtrier à Haïti, tsunami et catastrophe de Fukushima, ouragan Sandy à New York, épidémie mondiale d’Ebola, ouragans Harvey, Irma et Maria, premiers feux dévastateurs en Californie : la liste est longue et non exhaustive.

Face à l’ampleur de ces phénomènes, les premières « marches pour le Climat » ont débuté dès le milieu de la décennie. Les décideurs se réunissent. En 2015, la COP 21 aboutit à l’accord de Paris, qui engage les Etats à limiter le réchauffement à 2°C, voire 1,5°C, d’ici la fin du siècle. Ratifié par 183 Etats, l’accord est historique.

Malgré tout, c’est l’année 2019 qui aura tout particulièrement été celle de l'urgence climatique, occupant le devant des scènes politique, météorologique, citoyenne ou encore scientifique. Les rapports scientifiques de l’Organisation Météorologique Mondiale décrivent l’année comme « celle de tous les records ». Plusieurs villes de France ont ainsi battu leur record historique de température, notamment Vérargues, dans l’Hérault, où 46°C ont été relevés en juin 2019 ; des feux ravageurs dévastent quelques mois plus tard l’Australie.

Des perspectives inquiétantes

Quand bien même nous réussirions à atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris, les conséquences du changement climatique sur l’économie, l’agriculture, l’eau, la biodiversité, l’habitat ou les villes seraient considérables. Selon le rapport spécial du GIEC d’octobre 2018, intitulé « Global Warming of 1.5°C » : « Un réchauffement planétaire de 1,5°C doit être associé à un réchauffement nettement supérieur dans de nombreuses régions et en fonction des saisons ». (GIEC, 2018)

Températures extrêmes et vagues de chaleur, sécheresses et précipitations plus rares mais intenses, hausse du niveau des mers, érosions et inondations : les phénomènes climatiques extrêmes attendus auront un impact sur les populations, les villes, l’alimentation ou encore les bâtiments. A titre d’exemple, selon le GIEC, pour les grandes métropoles comme New York ou Shanghai, ou pour des deltas comme ceux du Gange ou du Mékong, la montée des eaux obligera à des mesures drastiques, comme la construction de digues. Mais pour réduire la montée des eaux sur les côtes, il faudra investir “des dizaines à des centaines de milliards de dollars par an”. Or, ces moyens ne pourront pas être mis en œuvre par tous les Etats. Nombre d’îles de l’océan Pacifique ou de l’océan Indien, comme Kiribati ou les Maldives, devraient donc disparaître (Curiosity is Key, 2020).

Il y a un an, Petteri Taalas, le Secrétaire général de l'Organisation Météorologique Mondiale, alertait :

« Nous devons augmenter le niveau d’ambition pour le bien-être futur de l’humanité. Il convient de rappeler que la dernière fois que la Terre a connu une concentration comparable de dioxyde de carbone, c’était il y a 3 à 5 millions d’années. À l’époque, la température était de 2 à 3 °C plus chaude et le niveau de la mer était de 10 à 20 mètres plus haut qu’aujourd’hui ».

Le changement est en marche

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Ces données sont librement accessibles depuis longtemps, bien que peu relayées eu égard à leur importance. Leur seul porte-parole fameux aura été à ce jour la jeune activiste suédoise Greta Thunberg. Mais de manière plus large, l’émergence d’une nouvelle génération d’activistes a permis de sensibiliser l'opinion et d'interpeller les responsables politiques, à mesure que le phénomène devenait indéniable.

Avec un certain succès : la proportion d'Américains qui se disent « très préoccupés » par le réchauffement climatique a plus que triplé depuis son point le plus bas en 2011 (Yale Program on Climate Change Communication, 2019). Aujourd’hui, ils sont près de 26% à se déclarer « alarmés » par le changement climatique, contre 11% en 2015. (Yale Program on Climate Change Communication, 2020).

En France, le contenu des 149 propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (voir les propositions) permet un constat similaire.

Convention Citoyenne pour le Climat

Cette expérience montre qu’après une exposition prolongée à ces données et des explications claires sur leurs implications objectives au niveau des différents scénarios, un groupe de citoyens “ordinaires” (à visée représentative en tout cas) propose naturellement une approche bien plus soutenue en matière de protection du climat.

Le changement climatique est devenu perceptible, la crise du Covid 19 a mis nos économies à terre, l’un des derniers climatosceptiques affirmés a été éjecté de la Maison Blanche, les citoyens sont en demande d’un changement de pratiques... Tout laisse à penser que la prochaine décennie verra l’entrée en vigueur d’une législation bien plus contraignante en matière environnementale. En tant qu’investisseurs immobiliers, nous devons aller dans le sens de l’histoire. Et en profiter, plutôt que de la subir.

Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas

A l’ère de l’information, entre médias traditionnels, docu-séries sur Netflix, chaînes YouTube scientifiques et marches pour le Climat, même les plus réfractaires au sujet ont pris conscience des faits. Plus personne ne peut dire qu’il ne savait pas, ni comment comprendre, ni comment agir. Qu’ils soient vos locataires, utilisateurs finaux ou partenaires investisseurs, leur état d’esprit a probablement déjà changé. Et il ne fait aucun doute que les investisseurs de demain seront conscients des désastres en cours et soucieux de bâtir une société plus sobre et responsable.

A mesure que l’expertise sur le sujet s’accroît, les pistes d’action et outils efficaces à mettre en œuvre se précisent. La société civile attend de nous investisseurs immobiliers, une démarche continue de mesure de nos investissements passés ou envisagés, de suivi engagé de nos portefeuilles, de remise en question, d’expérimentation et de dialogue élargi. Un engagement réel et sincère s’impose à nous.

C'est un phénomène important car... un changement de mentalité s’opère
Prise de conscience généralisée

La couverture médiatique d’événements, comme les incendies de la forêt amazonienne ou les méga-feux australiens nous alertent sur la fragilité du monde et contribuent à faire évoluer les mentalités. Les marches climatiques organisées par Youth for Climate chaque vendredi, quant à elles, sont un exemple de la mobilisation citoyenne croissante à ce sujet.

Cette prise de conscience générale a également trouvé un écho retentissant dans les urnes européennes. L’année 2019 a enregistré une forte progression des scores électoraux des partis écologistes dans l’ensemble de l’Europe. En France, en Allemagne, au Royaume-Uni ou encore en Autriche, aux Pays-Bas, la vague verte a installé au pouvoir un bon nombre d’élus écologistes.

Après des années d'indifférence ou de déni, le changement climatique est sans conteste devenu un enjeu politique et démocratique majeur.

En France, la Convention citoyenne pour le climat acte une nouvelle étape à partir d’un dispositif inédit. Pour la première fois, fin 2019, 150 citoyennes et citoyens sont tirés au sort pour répondre à une question : «Comment réduire d’au moins 40 % par rapport à 1990 les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, dans le respect de la justice sociale ? ». En juin 2020, la Convention citoyenne pour le climat proposera 150 mesures qui débouchent sur un projet de loi Climat et Résilience présenté en Conseil des Ministres le 10 février 2021.

Les mentalités ont progressivement changé : le Crédoc notait dans une étude récente que

« la prise de conscience écologique est en très forte progression : 26 % des Français placent l’environnement en tête de leurs préoccupations en 2018, un record en quarante ans d’enquête Crédoc » (Crédoc, 2019). Ce dernier notait encore que « 88 % de la population estime que les consommateurs doivent prendre en charge les problèmes environnementaux ».

Il est donc temps d'agir et de prouver que nous pouvons à la fois assurer la réussite d’une entreprise et protéger la planète, en toute sincérité. De Patagonia, célèbre marque de vêtements outdoor éco-conçus, à Lita, groupe européen organisant des levées de fonds pour des entreprises à vocation sociale et environnementale, en passant par 1083, marque de jeans écoresponsables 100% français, une myriade d’exemples prouvent chaque jour que cette démarche est viable.

Objectif consommation responsable

Depuis le confinement du premier trimestre 2020, la moitié des Français cherchent activement à consommer plus local (Newsroom Mastercard, 2020). Depuis maintenant quelques années, les observatoires de la consommation mettent en évidence un véritable mouvement de fond en France : la fréquentation des commerces de proximité et magasins bio augmente. Une étude indiquait récemment que 82 % des Français veulent continuer de privilégier le local après la crise (Épiciers de France, 2020). Dans le même temps, le désir de consommation plus responsable et plus sobre s’accroît. Si les comportements de consommation changent dans la grande consommation, alors on peut logiquement penser qu'une évolution similaire sera constatée - elle l'est déjà - dans la façon dont on consomme l’immobilier.

Pour l’immobilier : prise de responsabilité

Pour comprendre l’ampleur de l’enjeu carbone associé au secteur du bâtiment en France, un jeu de puzzle est nécessaire. En effet, ses émissions globales sont réparties dans trois secteurs d’activité :

1Le bâtiment, pour les émissions directes liées aux consommations d’énergie pendant la phase d’usage des bâtiments (gaz, fioul…) et aux fuites de fluides frigorigènes.

2La production de l’énergie, pour les émissions indirectes liées à la consommation d’électricité, de chaleur ou de froid via les réseaux urbains.

3️L’industrie, pour les émissions indirectes liées à la fabrication des matériaux et équipements mis en œuvre dans les constructions neuves ou rénovations.

En 2016, le secteur du bâtiment représentait 26% des émissions nationales sur ses scopes 1+2 (consommations énergétiques), soit environ 115 MtCO2e. Par ailleurs, la construction neuve (résidentielle et tertiaire) équivaut à environ 30 MtCO2e. Autrement dit, pris dans sa globalité, le secteur représente environ 30% des émissions annuelles nationales (Carbone 4, 2019).

Il nous paraît essentiel de contribuer au bien commun en réduisant nos émissions, à notre échelle, et de sensibiliser nos partenaires, qu'ils soient promoteurs, locataires, distributeurs ou investisseurs.

Quelle influence sur l’immobilier ?

L’investisseur ne peut plus l’éviter : la société civile exige son engagement sincère et tangible pour la Planète et pour les Hommes. A une époque où les villes sont responsables de 70% des émissions de CO2, les bâtiments émetteurs de 37% des émissions de GES en France, et où les inégalités sociales et territoriales se creusent, il est devenu indispensable de prioriser la gestion des risques ESG (Environnementaux - Sociaux - Gouvernance), et d’exiger la recherche d’un impact positif des portefeuilles immobilier sur l’environnement et sur l’espèce humaine.

Rappel historique : de la RSE à l’ESG

Au début du XXème siècle, les employeurs “bons pères de famille” considèrent que la protection du bien-être social de leurs employés améliore la productivité.

Ainsi, ils investissent dans le cadre de vie de ces derniers et favorisent par exemple le développement d’institutions sociales telles que les crèches, hôpitaux, écoles, etc. Cette philosophie se transforme dans les années 1950 en démarche de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), décrite pour la première fois par l’américain Howard Bowen en 1953 – dans Social responsibilities of the Businessman.

Historiquement, la RSE se concentre donc d’abord sur le progrès social dans l’entreprise, et ne commence à s’atteler à la question de la performance environnementale qu’à l’approche des années 90, à l’occasion de la publication du rapport Brundtland. Ce rapport diffusé à la conférence de l’ONU de Rio en 1992 jouera d’ailleurs un rôle majeur dans la diffusion de la notion de “développement durable” en posant une définition efficace : il doit “répondre aux besoins et aspirations du présent sans compromettre la capacité à répondre à ceux du futur” (Bruntland, 1987).

Définitions

La publication du rapport Brundtland, Our Common Future, et les travaux de la Commission mondiale sur l'Environnement et le Développement ont jeté les bases de la convocation du Sommet de Rio (Earth Summit) de 1992 et de l'adoption de l’Agenda 21, de la Déclaration de Rio et de la création de la Commission du développement durable.

Le développement durable est défini dans ce même rapport comme suit : «un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs».

Penser la durabilité des ville

Dans le contexte d’intensification de la mondialisation, les villes entrent en compétition pour attirer le capital économique et humain. Avec la montée en puissance des critères de durabilité, les villes se voient de plus en plus fortement incitées à intégrer ces derniers dans leur développement urbain, dans un souci de résilience et d’attractivité. Si le changement est lent, il n’en reste pas moins continu depuis près de 30 ans (Flurin, 2017).

Le concept même d’urban sustainability (ville durable) a muté au gré de l’évolution du cadre de labellisation. Il fait son apparition avec la charte d’Aalborg en 1993. Avec une première conférence sur les villes durables en 1994 et la publication d’un cadre d’action pour le développement urbain durable en 1999, elle influence la manière dont les villes envisagent, développent et mesurent leur performance en la matière. Le cadre d’action présenté en 1999, présentait ainsi 4 objectifs :

Renforcer la prospérité économique et l’emploi dans les villes;

Promouvoir l’égalité, l’inclusion sociale, et la régénération dans les zones urbaines ;

Protéger et améliorer l'environnement urbain, à travers une durabilité locale et mondiale;

Contribuer à une bonne gouvernance urbaine et à l’empouvoirement local.

Définitions

La Charte d'Aalborg (Danemark) est signée lors de la 1ère Conférence européenne des villes durables en 1993. Les villes signataires (acte d'adhésion volontaire) de la charte s’engagent moralement à établir un Agenda 21 local en suivant un certain nombre d’orientations et de principes en faveur du développement durable.

Les 10 Engagements d’Aalborg sont .

  1. Gouvernance
  2. Gestion locale vers la durabilité
  3. Biens naturels communs
  4. Consommation responsable et choix de style de vie
  5. Planification et conception
  6. Mobilité améliorée, trafic limité
  7. Actions locales pour la santé
  8. Economie locale vivante et durable
  9. Equité sociale et justice
  10. Du local au global

Ces principes continuent d’influencer la vision de la ville durable et sont les fondements de Objectifs de Développement Durable de l’ONU.

La conférence d’Aalborg débouche sur la rédaction et la signature par les collectivités locales présentes de la charte d’Aalborg, charte des villes européennes pour un développement durable, marquant leur engagement en faveur de l’établissement d’un programme stratégique local à long terme pour le XXIème siècle, c’est-à-dire un Agenda 21 local. Plus de 200 collectivités locales signent la charte durant les années 1994-1995 (Nedialka SOUGAREVA, Nathalie HOLEC, 2000).

Historique plus précis sur l’évolution de la définition de “urban sustainability” et des standards internationaux correspondant dans ce papier :

Des villes à la certification des bâtiments

De nombreuses certification et labellisations

Pour promouvoir, cadrer et normer cet enjeu de performance environnementale, une multitude de labels et certifications ont vu le jour.

Dans les secteurs du BTP et de l’immobilier, certains sont devenus des références : la certification HQE (Haute Qualité Environnementale) par exemple, qui s’est très rapidement diffusée sur le marché des immeubles de bureaux franciliens en 2005 (Kamelgarn et Languilon-Aussel, 2017), et ses équivalents anglais et états-uniens que sont respectivement Breeam et Leed, sont devenus en vingt ans des standards de bonne pratique incontournables dans nos métiers.

Figure 2. Évolution de la part de locaux certifiés dans l’offre et les transactions de surfaces de bureaux franciliennes de plus de 5000 m2 en immeubles neufs ou restructurés (2005-2013), Certivea et DTZ Research (Kamelgarn et Languilon-Aussel, 2017).

Pourtant, ces certifications restent imparfaites (Ekodev, 2018), en partie car pour obtenir la certification, les entreprises ont la possibilité de choisir de se focaliser sur les critères sur lesquels elles peuvent être les plus performantes et délaisser les autres.

Plus d’information sur les critiques faites aux certifications environnementales des bâtiments ici :

Densification des réglementations

Gouvernance écologique, croissance durable, réduction des émissions de gaz à effet de serre : le Grenelle de l’environnement pose en 2007 les jalons d’une politique nationale dite “post-réchauffement climatique” et sera suivi des lois Grenelle I et II.

Source : PWC

Source : PWC

Dans le secteur immobilier, la réglementation thermique 2012 (RT 2012) impose des normes de construction plus respectueuses de l’environnement et limite la consommation d’énergie primaire dans les bâtiments neufs. Elle sera d’ailleurs remplacée par la réglementation RT 2020, plus exigeante encore.

En 2013, le gouvernement a lancé les états généraux de la modernisation du droit de l'environnement. Une première stratégie nationale bas carbone et une loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte suivront en 2015. En 2017, le plan climat porté par Nicolas Hulot vise la neutralité carbone à horizon 2050.

Priorité politique, les enjeux de développement durable impactent l’intégralité de l’écosystème. L’approche à l’égard des produits financiers est façonnée par les label ISR, la loi PACTE ou encore, plus récemment, le label Greenfin. Le reporting extra-financier et l’exigence de transparence se sont imposés. La finance durable évolue sous l’influence de la doctrine ISR. Dans le secteur immobilier en particulier, les sujets se multiplient : stratégie nationale bas carbone révisée, décret tertiaire, loi énergie-climat... Toutes ces réglementations ambitionnent de transformer les pratiques.

Consensus atteint avec les Objectifs du Développement Durable de l’ONU

Ainsi, durant les années 2010, les grands référentiels sont à nouveau mis au défi et d’autres labels ou certifications voient le jour. Le référentiel qui s’impose enfin et fait consensus dans le monde entier et dans tous les secteurs d’activité est celui des Objectifs de Développement Durable de l’ONU (ODD, ONU, 2015), devenu, en 2015, un référentiel partagé au niveau mondial.

Au nombre de 17, les objectifs font consensus :

 Réduction des inégalités, valorisation des infrastructures et des villes durables ou encore travail décent et croissance économique : les ODD promeuvent un développement respectueux des êtres humains et de la planète.

Par opposition aux objectifs de la décennie précédente, ils se caractérisent par leur transversalité. Ils concernent tous les pays et tous les secteurs d’activité.

Cette évolution du référentiel favorise l’émergence chez les investisseurs immobiliers de l'évaluation ESG, c’est-à-dire l’évaluation sur de critères de performance Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance, directement inspirée des objectifs de développement durable formalisés par l’ONU.

L’évaluation ESG des actifs : nouvel état de l’art et outil de performance pour le long terme

Définition

Les critères ESG (pour Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) sont des critères d’analyse qui permettent d’évaluer la prise en compte du développement durable et des enjeux de long terme dans la stratégie des entreprises.

Ces critères peuvent par exemple être :

Pilier E : les émissions de CO2, la consommation d’électricité, le recyclage des déchets, etc.

Pilier S : la qualité du dialogue social, l’emploi des personnes handicapées, la formation des salariés, etc.

Pilier G : la transparence de la rémunération des dirigeants, la lutte contre la corruption, la féminisation des conseils d’administration, etc.

Progressivement, ces critères deviennent des standards qu’il est impossible de contourner. Dès lors, il apparaît comme nécessaire de les intégrer, tant pour des questions de compétitivité que d’éthique.

Un outil de performance pour le long terme

L'évolution du corps réglementaire et l'intérêt grandissant des investisseurs institutionnels et particuliers pour les enjeux climatiques et sociaux militent pour la prise en compte de critères ESG dans les décisions d’investissement immobilier. Ainsi, la conjoncture pousse à privilégier le développement ou la rénovation d’immeubles performants au plan énergétique et propices au bien-être des occupants. Ces immeubles sont ainsi plus faciles à louer ou à céder, et se trouvent moins exposés à l'obsolescence réglementaire.

Exemple chez Keys REIM : Qu'il s'agisse des foncières Core+, de Value-Added, de résidentiel géré ou de capital-investissement hôtelier, tous les fonds actifs de Keys REIM ont intégré l’évaluation ESG de leurs actifs aux décisions d’investissement depuis 2020.

L'adoption de ces critères procure de nombreux avantages :

✔️ Parce que les critères d’évaluation ESG évaluent la qualité d’un projet immobilier. Il traduisent l’état de l’art et poussent les parties prenantes à aller plus loin dans l’amélioration du parc bâti.

✔️ Parce qu’en tant qu’outil de sélection et de contrôle de la qualité, les critères ESG contribuent à lutter contre l’obsolescence accélérée de nos actifs. Les normes environnementales se multiplient et rendent obsolète ce qui pouvait être une innovation quelques années auparavant. Afin de maintenir nos immeubles dans cette fenêtre normative, nous nous devons d'anticiper les évolutions, à moyen terme, de la réglementation.

✔️Parce que les critères ESG seront exigés par les investisseurs de demain. Aujourd’hui déjà, ils sont facteurs de vélocité de collecte : les fonds dotés d’une notation ESG collectent de plus en plus et de plus en plus vite. Demain, les offres non ESG s’exposeront à une perte de valeur potentielle. Sans compter les facilités de financement et les offres “vertes” auxquelles auront accès les fonds dont la prise en compte des critères ESG sera jugée suffisamment sérieuse et crédible par les banques et autres véhicules de financement immobilier.

Une étude menée par PwC Luxembourg suggère que les encours des fonds intégrant les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance représenteront entre 41% et 57% des encours totaux des fonds mutuels européens d'ici 2025 (ZoomInvest, 2020). Le cabinet de consultants évoque un taux de croissance annuel moyen de 28,8% pour les encours des fonds ESG en Europe entre 2019 et 2025.

La prise en compte des considérations ESG est une tendance de fond. A court terme, il sera devenu indispensable de les intégrer pour rester compétitif. Les fonds ESG sont en piste pour devenir un standard de marché.

L’ISR : plusieurs modes d’action au service d’une approche globale
Approche 360°

Aujourd’hui, une approche plus « holistique » que les certifications environnementales des bâtiments englobant véritablement les trois piliers ESG (environnement, économie et société) du développement durable se démocratise donc dans l’immobilier : l’Investissement Socialement Responsable (ISR).

Alors que la RSE était auparavant cantonnée aux services communication, l’ISR devient un véritable outil de pilotage, irriguant la stratégie, au service de la RSE et de la performance globale des entreprises. Il préfigure d’ailleurs les futures évolutions réglementaires à l’échelle européenne.

Selon l’Association Française de la Gestion financière et le Forum pour l'Investissement Responsable, l’ISR consiste à intégrer de façon systématique et traçable des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) à la gestion financière (Pierre Tourev). L’ISR favorise ainsi une économie responsable en incitant les sociétés de gestion de portefeuille (SGP) à prendre en compte des critères extra-financiers lorsqu’elles sélectionnent des valeurs mobilières pour leurs actifs financiers.

On parle aussi « d’application des principes du développement durable à l’investissement ». Ce type de placement financier cherche à concilier performance économique, impact social et impact environnemental en finançant les entreprises qui contribuent au développement durable.

Méthodologie

L’ISR implique différentes formes d’action (Ministère de l’Économie, 2021) dont notamment :

Exclusion : il s’agit de la première méthode utilisée dans l’ISR, qui se traduit par l’exclusion des investissements qui ne respectent pas les conventions internationales (exclusions normatives). Il existe d’autres formes d’exclusions, comme les exclusions sectorielles qui consistent à exclure les actifs attachés à certains domaines d’activité (tabac, alcool, armement, pornographie).

Sélection ESG, c’est-à-dire sur la base de performance Environnementale, Sociale et en matière de Gouvernance : les société de gestion de patrimoine sélectionnent des actifs (entreprises ou immeubles, par exemple) pour leurs bonnes pratiques environnementales, sociales et de gouvernance. En France, l’approche la plus répandue est l’approche Best-in-Class, qui favorise les entreprises qui ont les meilleures notes d’un point de vue extra-financier.

Approche thématique : elle favorise les investissements participant activement au développement durable et exclut certains autres domaines (souvent les mêmes que dans le cadre des exclusions sectorielles).

Selon une enquête d'Eurosif, réseau européen de promotion de l’ISR, réalisée sur le marché européen à partir des données de treize pays européens, l'ISR représentait 5 000 milliards d’euros au 31 décembre 2009, en hausse de 87 % par rapport à décembre 2008 (Le Point, 17 novembre 2020.

À fin 2019, l’encours de l’investissement responsable s’établit à 1 861 milliards d’Euros, dont 546 milliards d’euros d’encours ISR et 1315 milliards d’euros d’encours des autres approches ESG, tels que les Fonds thématiques ESG, les Fonds d’intégration des critères ESG, les Fonds d’engagement, les Fonds solidaires, les Fonds d’impact investing (AFG, 2020).

Label ISR

Le label ISR, créé en 2016 par le ministère de l’Economie et des Finances, permet “aux épargnants, ainsi qu’aux investisseurs professionnels, de distinguer les fonds d’investissement mettant en œuvre une méthodologie robuste d’investissement socialement responsable (ISR), aboutissant à des résultats mesurables et concrets” (LabelISR.fr, 2021).

En 2020, en lien avec l’association professionnelle ASPIM, ce label a été décliné aux métiers de l’investissement immobilier dont les actifs immobiles ne pouvaient pas être comparés ni notés comme les autres classes d’actifs financiers. Aujourd'hui, il est impossible d’appréhender la notion de responsabilité sociétale des entreprises en immobilier sans faire référence à l’investissement socialement responsable (ISR), qui s’impose comme référence et guide de la performance environnementale et sociétale pour les entreprises du secteur.

Exemple chez Keys REIM :

En janvier 2021, le fonds flagship de Keys REIM a obtenu le label ISR (Investissement Socialement Responsable). Ce dernier récompense l’engagement du fonds dans la démarche d’investissement ESG (critères environnementaux, sociaux, et de gouvernance), et marque une nouvelle étape dans l’engagement de Keys REIM qui a d’ores et déjà intégré une démarche ESG plus ou moins engageante à l’ensemble de ses fonds français ouverts à la collecte.

Ce label récompense le travail réalisé par toutes les équipes de Keys REIM, de la sélection des opportunités d’investissement à la gestion quotidienne des immeubles. Outre ses vertus sur l’environnement, la démarche ESG contribue à la performance financière à terme. Non seulement la performance énergétique des immeubles permet de réduire les charges, mais le souci du bien-être des occupants est fondamental pour attirer et fidéliser nos clients locataires, note Philippe Goldberger, Directeur du Fund Management Keys REIM en 2020.

Au-delà de l’ISR, l’investissement à impact

Le monde change, petit à petit : dans l’immobilier coté comme non coté, même lorsqu’elle n’est pas obligatoire, l’intégration des critères ESG (mesure et suivi des actions en faveur de l’Environnement, du bien-être Social, et d’une Gouvernance responsable) et les approches d’investissement socialement responsable (ISR) se généralisent.

Le rythme du changement actuel est trop lent

 Pour sauver la planète et les hommes, il faudra cependant aller bien plus loin.

Car :

→ Le secteur du bâtiment représente toujours plus de 40 % de la consommation énergétique française et 1/4 des émissions de gaz à effet de serre du pays.

→ Les dernières estimations fournies par le Programme mondial de recherche sur le climat (WCRP) tablent sur un réchauffement climatique compris entre +2,3°C et +4,5°C d’ici 2100.

Si ces chiffres peuvent encore sembler flous, les conséquences envisagées sont très concrètes, comme par exemple :

→ la submersion des villes cotières ou l’intensification des migrations climatiques, entraînant un afflux massif de population dans les villes de l’hémisphère nord et, en conséquence, des difficultés supplémentaires d’accès au logement.

Les changements climatiques à l’oeuvre questionnent évidemment également la “résilience” de nos constructions, c’est-à-dire leur résistance à la multiplication et à l’intensification des aléas climatiques extrêmes, comme fortes chaleurs, tempêtes et inondations, ou encore leurs environnements directs quand érosion côtière, îlots de chaleur ou retraits des argiles du sol promettent d’en faire des “terrains glissants”.

Et pour lutter contre l'obsolescence réglementaire de nos immeubles, il faudra aussi continuer d’avancer et de progresser. Car si demain l’ISR devient réglementaire pour les grands investisseurs, comme le projette l’Union Européenne, alors il nous faut anticiper la prochaine étape d’exigence réglementaire dès aujourd’hui.

En effet, l’impact se construit aussi en diffusant et en militant pour la culture “responsable”. Cela impose naturellement de pouvoir formuler des opinions claires et réalistes en matière de développement durable, de participer à démontrer l’influence de l’ESG sur la performance du business, d’assumer le rôle de la finance dans la lutte contre le changement climatique, de s’adapter aux enjeux des prochaines générations d’investisseurs.

Prochaine étape : impact

Comment ceux d’entre nous qui veulent aller plus loin peuvent-ils développer la culture du « less bad, more good » (Cradle to Cradle, William McDonough & Michael Braungart, 2013) dans le monde immobilier, et plus particulièrement dans le domaine de la gestion d’actifs ? Un certain nombre de référentiels s’offrent à nous, permettant aux asset managers qui intègrent déjà les considérations ESG dans leurs prises de décisions d’aller plus loin.

Parmi ces référentiels, le statut d’**entreprise à mission proposée par la Loi Pacte** vise à reconnaître l’intérêt social d’une entreprise qui se veut “utile pour la société dans son ensemble”.

Une autre démarche est l’impact investing, qui, selon le GIIN, décrit

les investissements faits dans les entreprises, les organisations et les fonds avec l’intention de générer des impacts environnementaux et sociaux en même temps qu’un rendement financier.

L’investissement à impact répond donc à un double objectif :

générer un rendement financier conséquent et créer un impact social ou environnemental positif (Novethic).

Soumis à une méthodologie très stricte décrite par l’Impact Management Project, l'investisseur à impact doit :

identifier ses intentions en matière d’impact,

prouver que ses résultats sont considérés comme positifs par les experts internationaux du sujet,

prouver qu’ils résultent directement de son action et enfin (iv) mesurer, s’améliorer, sensibiliser.

Exemple chez Keys REIM :

La stratégie d'investissement en résidentiel géré de Keys REIM vise la production d’un impact social positif en contribuant à l'amélioration de la qualité de vie des classes moyennes en France. C’est une démarche très novatrice puisque 100% des actifs de la stratégie concernée devront respecter les ambitieux critères d’impact prédéfinis. Parmi eux, l’interdiction d’artificialiser les sols ou de contribuer à l’augmentation du coût du logement.

Ce type de démarche encourage ainsi quatre types d’actions :

La mesure et l’encouragement d’abord.

Il ne suffit déjà plus d’intégrer des critères ESG dans les processus d’investissement; il faut désormais mesurer, suivre et améliorer sa performance . Il s’agit là de calculer et publier son bilan carbone et celui de ses actifs ou de tracer sa trajectoire température, en identifiant ses faiblesses et ses leviers d’action réels.

La gouvernance et l’incitation ensuite.

L’action concrète dans l’entreprise se motive : en allouant une part des budgets de fonctionnement à la responsabilité et au “business for good” d’une part, et en rémunérant l’impact positif durable, d’autre part. Les bonus de performance de demain seront-ils conditionnés à la performance ESG de chaque employé ?

La transparence pour se laisser défier.

Une politique ESG interne solide est, certes, un premier pas vers un futur plus durable. Cependant, souvent évaluée par l’entreprise elle-même, de façon assez endogène, elle s’expose à la critique. C’est pourquoi les référentiels exigent une grande transparence dans la démarche d’investissement responsable : de la conception jusqu’au suivi de la mise en œuvre. La constitution de “conseils scientifiques” — rassemblant experts, partenaires, utilisateurs finaux, citoyens engagés, ONG, etc. — dédiés au sujet, peut contribuer à légitimer l’engagement.

Enfin, la sensibilisation et l’expression de ses valeurs.

En effet, l’impact se construit aussi en diffusant et en militant pour la culture “responsable”. Cela impose naturellement de pouvoir formuler des opinions claires et réalistes en matière de développement durable, de participer à démontrer l’influence de l’ESG sur la performance du business, d’assumer le rôle de la finance dans la lutte contre le changement climatique, de s’adapter aux enjeux des prochaines générations d’investisseurs.

L’ESG : un engagement qui va toujours plus loin

Plutôt que d’attendre qu’une nouvelle réglementation s’impose à nous pour agir, ayons l’ambition de transformer nos modèles d’investissement pour contribuer à la construction d’un futur plus juste et plus durable. Faisons des critères ESG des moteurs de l’innovation. Entrons dans une logique proactive à la faveur des générations futures et des lieux qu’ils fréquenteront. En tant qu’investisseurs dans l’immobilier, travaillons pour une ville meilleure, plus inclusive, dynamique, qui lutte activement contre le changement climatique.

Investissons dans des logements plus accessibles, des commerces plus proches et authentiques, le retour de la nature en ville, la piétonnisation et le remplacement de la voiture par les mobilités douces. Luttons contre l’étalement urbain. Innovons pour repenser la densification des aires urbaines. Expérimentons et mettons nos actifs au défi : celui du bien-être social, de la résilience climatique, et de l’incertitude du futur (Keys REIM).